L’ombre de Madame de Genlis plane sur les deux journaux de voyage dont Isabelle Havelange nous propose une édition critique. On sait que depuis 1782, elle a été gouverneur (et surtout pas « gouvernante ») des enfants du duc d’Orléans, parmi lesquels le futur roi Louis-Philippe, né en 1773. L’attribution de cette éminente fonction à une femme constituait en soi une innovation remarquable, et remarquée, dans l’histoire de l’éducation des princes. On sait aussi avec quel soin jaloux elle a reven...

L'ouvrage de Scarlett Beauvalet-Boutouyrie vient combler une lacune de l'historiographie en proposant la première synthèse sur le veuvage féminin dans la France d'Ancien Régime. Se plaçant dans une perspective d'histoire sociale, l'auteure a mené un travail ambitieux, résultat d'une habilitation à diriger des recherches, dans laquelle elle a volontairement croisé les approches. Partant d'une étude des discours, dans la première partie consacrée à la figure mythique de la veuve, elle ab...

Résumé Charles Wolfe vient de publier Lire le matérialisme (ENS Éditions, 2020), où il esquisse une histoire des différentes formes de matérialisme, y compris le matérialisme vitaliste et les versions du XXe et du XXIe siècle. Pierre-François Moreau, auteur de la préface de l’ouvrage, entame ici une discussion sur les problèmes et les ressources d’une telle histoire.

« Quelles sont les conditions qui font que certains discours fonctionnent comme discours littéraires? ». Telle était la question, destinée à remplacer le sempiternel « Qu’est-ce que la littérature? », qui était annoncée dans l'édition originale de Pour une théorie de la production littéraire (Maspero, 1966). Pour poser adéquatement cette question fondamentale et y répondre, Pierre Macherey, alors élève de Louis Althusser, réfléchissait en philosophe à la littérature et proposait l’une des réflexions les plus originales des années 1960 sur (...) les rapports entre le littéraire et le social. Pour une théorie de la production littéraire, qui a pourtant marqué toute une génération de théoriciens dans le monde anglo-saxon, n’avait jamais été réédité en français. Cette lacune est désormais comblée grâce à une édition revue et enrichie d'une préface de Terry Eagleton et d'une postface inédite de Pierre Macherey. (shrink)

Selon les époques et les doctrines, les passions peuvent être envisagées comme vices, péchés, effets de l'imagination ou moteurs nécessaires à l'acion humaine. La modernité recueille ainsi un héritage complexe de thèmes venus de l'Antiquité comme du Moyen Âge. Ce volume aborde donc les modernités sur ce thème des passions, du tournant du XVIe siècle à la fin de l'époque des Lumières. Pages de début Préface Machiavel : le problème de la circularité des lois et des mœurs La théorie des (...) passions de Juan Luis Vivès Religion et passions chez Montaigne Shakespeare : des humeurs aux passions La subjectivité cartésienne et l'amour Gracián : l'héroïsme ou l'art de cacher les passions La question des passions dans l'œuvre de Pascal Spinoza et les problèmes des passions L'expression des passions : anatomie, dessin, sentiment Locke : les passions et la philosophie pratique Le De affectibus leibnizien : de la dynamique des passions à la constitution de la substance individuelle Contribution de l'art à une discipline des passions Diderot entre le désir et la passion Religion de l'homme, de la femme et du citoyen chez Rousseau La théorie des passions dans les traités d'économie deHume Pages de fin. (shrink)

« J'espère que le lecteur verra clairement que ce livre n'est pas écrit contre l'exégèse moderne » : l'étude de l'Avant-propos de son livre, désormais fameux, sur Jésus de Nazareth, pose la question du rapport personnel de Benoît XVI à ce qu'il appelle le plus souvent la « méthode historico-critique » tout en traitant des apports et limites de cette « méthode ». Par delà quatre siècles d'histoire de l'exégèse critique, qu'en est-il de ces rapports ? Les évangiles et surtout (...) la personne historique du Christ ont-ils bénéficié ou souffert de l'exégèse moderne ? Benoît XVI soulève ici un problème grave qu'il ne convient pas d'écarter une fois de plus, exégètes et théologiens campant sur leurs positions, et le lecteur des évangiles risquant l'incertitude par rapport aux difficultés que les évangiles lui présentent. Cet article s'efforce de montrer les attendus des positions complexes de Benoît XVI par rapport à l'exégèse, tout en rappelant les fondements du projet critique pour le service des croyants. “I hope that the reader will clearly see that this book is not written against modern exegesis”: study of the Preface to his now famous book on Jesus of Nazareth raises the question of Benedict XVI's personal relationship to what he most often calls the “historical-critical method”, all the while examining the contributions and limits of this “method”. After four centuries of the history of this critical exegesis, how do things now stand? Have the gospels and above all the historical person of Christ benefited or suffered from modern exegesis? Benedict XVI raises a serious problem here that should not be simply set aside once again, with exegesists and theologians holding steadfast to their positions, and the reader of the gospels left prey to uncertainty in regard to the difficulties that those gospels present for him or her. This article will endeavor to show the motives behind the complex positions of Benedict XVI in relation to exegesis, while recalling the foundations of its critical project in the service of believers. (shrink)

Parmi tous les points de la doctrine cartésienne il n’en est pas de plus controversé que l'union de l'Ame et du Corps, sur laquelle semble peser encore la condamnation formelle de Spinoza, dans la préface du cinquième livre de l'Éthique. Sans vouloir justifier ici cette notion par l’importance exceptionnelle de la morale que Descartes en a tirée, nous nous proposons d’étudier la manière dont la question s’est précisée au cours des Méditations Métaphysiques et des controverses connexes, et de montrer que (...) la notion n’implique nulle contradiction, ni en elle-même, ni à l’intérieur de la doctrine cartésienne. (shrink)

Cette édition numérique a été réalisée à partir d'un support physique, parfois ancien, conservé au sein du dépôt légal de la Bibliothèque nationale de France, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation des Livres indisponibles du XXe siècle. Pages de début Préface Introduction 1 - Le jeu avec les normes 2 - La production des contraires dans la vie quotidienne 3 - Les masques de la valeur4 - La négation critique Conclusion Pages de fin.

The ancient Western conception of philosophy as a way of life was eclipsed as philosophy became an academic discipline, a development that peaked under the influence of 13th-century scholasticism. Domański both traces this development and explores how some resisted it.

_Le langage de la morale_ est la traduction d’un livre écrit en 1952 sous le titre _The Language of Morals_ ; sous ce titre en anglais, il précède d’une trentaine d’années _Moral Thinking_ (1981), tandis que sous le titre français et traduit par Jean-Baptiste Le Bohec et Frédéric Naudin, il suit de deux ans _Penser en morale_, traduit récemment pour les éditions Hermann (en 2021) par Claire Wrobel, Malik Bozzo-Rey et moi-même (qui l’ai aussi préfacé). Hare est au début de (...) sa carrière quand il rédige _Le langage de la morale_ et il semble que, s’il n’est ni kantien, ni anti-kantien, il procède néanmoins par un réexamen de nombreuses catégories sans lesquelles il ne saurait être question de faire de l’éthique : le devoir, les impératifs, la distinction du prescriptif et du descriptif, de la description et de l’évaluation, le « bon », le « juste » et quelques autres encore, qui constituent le vocabulaire fondamental de l’éthique. De plus, Hare nous apprend à être attentifs à la grammaire, aux pe... (shrink)

Jean-Pierre Belna se propose d'exposer et de confronter les contributions de Dedekind, Cantor et Frege à la théorie des nombres. Un des points communs aux trois auteurs étudiés dans cet ouvrage est leur tentative, en essayant de définir les entiers naturels, d'achever le processus d'arithmétisation de l'analyse. Weierstrass, par exemple, ne s'était pas réellement intéressé à la définition des nombres entiers. Dans l'introduction de son cours, il tire l'origine de la notion de nombre de la réunion mentale de choses (...) auxquelles on a découvert une propriété commune. Les points de vue de Dedekind, Cantor et Frege sont cependant fondamentalement différents. L'approche de Dedekind est algébrique, celle de Cantor ensembliste et Frege appartient au courant logiciste. Les trois premiers chapitres sont consacrés à l'exposition de leurs travaux. (shrink)

In her own lifetime Isabelle of France was a crucial figure in the formation of female Franciscan identity and the crystallization of Capetian sanctity.2 Rejecting several proposed marriages and dedicating herself to a life of saintly virginity in the world, she was founder of the abbey of Longchamp 3 and co-author of the rule for the Order of Sorores minores, adopted by communities throughout France, England and elsewhere.4 Her life and miracles were recorded in the Vie d’Isabelle written by Agnes (...) of Harcourt, third abbess of Longchamp, around 1283.5 Although Isabelle’s memory was overshadowed by the 1297 canonization of her brother Louis IX, her cult began a comeback of... (shrink)

Pierre Poiret (1646-1719) s’est fait l’éditeur infatigable de nombreux textes mystiques, y compris ceux de ses contemporains. Se distinguent notamment les Œuvres complètes de Madame Guyon (1648-1717), qu’il a rassemblées en trente-neuf volumes, certains parus après sa mort : c’est le cas des Justifications (trois tomes, 1720), ce dossier d’autorités que Mme Guyon avait rassemblées pour sa défense au moment de la querelle du quiétisme. On s’est proposé de confronter cette édition au manuscrit (l’exemplaire adressé à Bossuet, conservé à (...) la Bibliothèque nationale de France). Poiret s’y révèle d’une scrupuleuse fidélité, contraint à des modifications certes importantes mais toujours pour servir l’original, récupérant la quasi-totalité du manuscrit, le transformant il est vrai, par les vertus de la seule mise en forme, en anthologie de la « doctrine mystique » (selon les termes de la préface) commune. (shrink)

This article starts, on the one hand, with a consideration of the paradoxical way in which, namely when he wanted to evoke those intellectual figures that have decidedly contributed to the revelation of the "true Pascal", i. e., of the Pascal that had known the good usage of reason, Fortunat Strowski comes to the idea of putting side by side Pierre Duhem and Leon Brunschvicg. On the other, a reference is made to the fact that Duhem only published two (...) articles and a preface on Pascal while Brunschvicg is the author of a major work on the great figure of the XVIIth -Century. Hence, the question raised is about the consideration that shall be given to a paradoxical affirmation that seems to place on equal terms the few pages that Duhem has written on Pascal with the imposing contributions of Brunschvicg. For the author of the article, it would not be very consequent to take such affirmations as if they were unreflected ones, since it is clear that Strowski knew exactly what he was writing as we can see from the very good knowledge he had of the writings of both Blaise Pascal and Pierre Duhem. Indeed, and more than anyone else, Strowski was in a very good position to enlighten us about these two thinkers and to write about them in the terms he effectively did. The goal of the article, therefore, is to justify that assertion, which on its face is quite paradoxical, by showing in concrete terms the extent to which Pierre Duhem was truly influenced by Blaise Pascal. ––– O presente artigo começa por realçar o modo paradoxal como, uma vez que ele se dá ao trabalho de evocar aqueles autores que contribuíram para a revelação do verdadeiro Pascal, ou seja, daquele que conheceu o bom uso da razão, Fortunat Strowski não hesita em colocar o nome de Pierre Duhem lado a lado com o de Léon Brunschvicg. O facto, porém, é que Pierre Duhem não fez mais do que publicar dois artigos e um prefácio sobre Blaise Pascal, ao passo que Brunschvicg lhe dedicou uma obra que haveria de ficar famosa. O problema, portanto, consiste em saber qual o valor que se deve atribuir a uma tal afirmação desconcertante, a qual parece simplesmente equalizar as poucas páginas de Duhem sobre Pascal com as imponentes contribuições de Brunschvicg. Nesse sentido, a estratégia do autor do artigo consiste em não tomar de forma ligeira uma tal afirmação, como se Strowski não tivesse considerado bem as consequências e o alcance daquilo que escrevia, pois a verdade é que ele conhecia não só a obra de Pascal mas também a de Duhem. Ou seja, mais do que ninguém, ele estava perfeitamente à altura de nos comunicar algo de substancial acerca de cada um destes pensadores e de escrever a seu propósito aquilo que ele efectivamente escreveu. Em suma, o presente artigo não tem outra pretensão que não a de justificar essa afirmação aparentemente paradoxal segundo a qual Pierre Duhem foi um verdadeiro pascaliano. (shrink)

Pierre Bayle can lay claim to having fathered the history of philosophy or the history of ideas. Marx at any rate said of his Dictionnaire that it "wrote the epitaph of philosophy." He was also the founder of the journal Nouvelles de la République des Lettres—one of the forerunners of the modern academic journal—in whose Preface he wrote: "il s'agit [ici] de Science: on doit donc mettre bas tous les termes qui divisent les hommes en différentes factions et considérer (...) seulement le point dans lequel ils se réunissent, qui est la qualité d'Homme illustre dans la République des Lettres." Mme. Labrousse devotes the first two chapters to an elucidation of the connection between Bayle's active interest in science and in the history of ideas, a connection all the more obscure because science for Bayle meant roughly Cartesian mechanism, and Descartes was notably anti-historical. While the author's observations are pertinent, it would seem that the connecting link is overlooked: the Discours de la méthode is itself a history. However that may be, this well executed work will serve as an appropriate introduction to the issues in the very extensive writings of one of the moving spirits of the Enlightenment.—H. C. (shrink)

In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:Guillaume Budé, Andrea Alciato, Pierre de l’Estoile: Renaissance Interpreters of Roman LawMichael L. MonheitIn the Renaissance, jurists and other scholars intensely debated the problem of how to interpret correctly the Corpus iuris civilis (CIC), Justinian’s great sixth-century-ad compilation of Roman law. 1 Yet by the sixteenth century jurists had been closely interpreting its texts for four centuries; indeed Roman law jurists, much more than pre-Reformation theologians, innovated through (...) close commentary on the text (a characteristic sometimes wrongly considered a humanist innovation). Assuming that these texts were fully consistent, largely lacking a sense of historical distance, they “found” the CIC’s dictum on a given question by weaving many passages that seemed to address it partially into a complex logical fabric, and eliminated apparent internal conceptual disparities in the same way. 2But from the fifteenth century such humanists as Lorenzo Valla (1407–57) and Angelo Politiano (1454–94) applied humanist critical methods to the CIC and ridiculed the methods of the civilians. In the early sixteenth century the work of Guillaume Budé (1468–1540), Andrea Alciato (1492–1550), and Ulrich Zasius (1461–1535) intensified the crisis in legal interpretation. Budé, the [End Page 21] period’s leading French humanist, was the first humanist to publish an exhaustive study of Justinian’s Digest, while the Milanese jurist Alciato and the German jurist Zasius were among the first humanist-trained Roman lawyers to tackle the CIC. Across the century’s first three decades these humanists debated each other and other jurists, including the eminent Orléans professor of Roman law, Pierre de l’Estoile (1480–1537), best known to scholars as the teacher of a youthful law student named Jean Calvin. 3 We consider here a debate between Budé, Alciato, and Estoile, which also involved Nicolas Duchemin, Estoile’s student and partisan, and Calvin himself, who made his first appearance in print by contributing a preface to the work of his friend Duchemin. Though often referred to in Calvin scholarship, the debate has never been thoroughly explored. 4 [End Page 22]Unlike some recent studies of interpretation in the Renaissance, this study focuses on each interpreter’s practice, rather than his explicit methodological pronouncements alone, on what Wittgenstein calls a writer’s “language game”—here the meaning of each interpreter’s statements in the context of his interpretive practices. Indeed we shall view this debate as a clash of three “forms of life,” since the three protagonists could not agree as to what rules to follow to determine the meaning of a particular expression. 5In the passage in question, Lex Nec quicquam, §Ubi decretum, from the Digest section On the Duties of the Proconsul and Legate (D.1.16.9.1), the third century Imperial jurist Ulpian, declares:Ubi decretum necessarium est per libellum id expedire proconsul non poterit: Omnia enim quaecunque causae cognitionem desiderant per libellum non possunt expediri. (Where a decretum [decree] is required, the proconsul will not be able to dispose of the matter per libellum. All matters whatsoever requiring causae cognitio [judicial investigation] cannot be disposed of per libellum.)In unravelling the meaning of such key terms as decretum and libellus, the interpreters applied assumptions and practices rooted in both the humanist and [End Page 23] scholastic traditions—sometimes the same individual applied both. The debate presents the issue of interpretation apart from that of textual recovery, for no participant claimed any passage involved had been corrupted or offered a significant variant. Had they possessed the Mommsen edition of the CIC (albeit without necessarily understanding its principles of construction), each would have faced little added difficulty.I. Guillaume Budé on §Ubi decretumGuillaume Budé sparked the debate with his comments on the passage in the first part of his famous study of Justinian’s Digest, the Annotationes in quattuor & viginti Pandectarum libros (1508). He argued that the term libellus as used in the passage meant a supplicatory petition addressed to the Emperor. The matters involved could include both controversial cases, for which the Emperor would rely on the judgment of his council, and uncontested matters in which Emperors acted by their own “liberality or beneficence.” Budé confined himself to the... (shrink)